Climb&Fly depuis la maison

Nous finissons saison d’été, où je prends d’habitude plaisir à me balader sur les glaciers du massif du Mont Blanc, à rêver de nouvelles voies au grand capucin ou en face sud du mont blanc.

Le premier cri d’alerte au mois de Juin nous faisait redouter une saison compliquée. Tout n’était pas perdu. Sauf que plusieurs épisodes avec des isothermes « sur la lune » se sont succédés, les compagnies ont décidé d’arrêter de vendre ces itinéraires trop exposés aux dégringolades de rochers et même les médias nationaux se sont pris à analyser les « condis » en montagne.

Pour prendre le contrepied à ces dégradations précoces des conditions de la haute montagne, nous avons pris un nouvel outil pour recréer les éléments qui nous stimulent tant dans ces aventures alpines: le parapente.

Je retrouve donc Lucas à la maison à Chamonix, avec un sac faisant à peu près sa taille. Même si tout à été réduit au minimum, on a quand même 8kg de matériel de vol: aile, sellette, secours, du matériel pour grimper: corde de 50m, cordelette de hissage de 50m, 13 dégaines et le matériel d’escalade perso. Pour les bivouac, une petite tente chacun, un matelas et un petit duvet. Pour la nourriture, on a pas trouvé mieux qu’une base de lyophilisé, le but étant de ne pas descendre en vallée si les conditions permettent de voler et de reposer en haut à chaque fois.

C’est un véritable coup d’essai pour Lucas et pour moi. On est bien sur la même longueur d’onde: on « va voir ».

C’est parti pour un premier transport en commun depuis Chamonix qui nous dépose au pied de la première montée à Vallorcine. On ressemble plus à des Sherpas de 85ans qu’a des athlètes de la X-alps…

2h plus tard, délivrance, on pose le camp, se jette sur la corde et on part pour « bada-bing » aux perrons de Vallorcine, 350m de légèreté où les mouvements s’enchainent avec fluidité sur ce beau caillou face au mont blanc. Retour au bivouac et cueillette de myrtilles, puis une lecture approfondie des « autoroutes à parapente », bulletins météo et analyse des espaces aériens. On se glisse doucement dans le rythme du vol bivouac. La journée du lendemain s’annonce assez bonne.

Ce qui a de bon avec le parapente, c’est que même en été, la convection n’est exploitable pas avant 10h, ça change des réveils à 3h pour aller traverser ces méchants ponts de neige aléatoires.

11h, on est positionnées au déco aux chalets de la Loriaz. Il y a déjà de la brise, la base des nuages est au dessus des perrons, des oiseaux enroulent les thermiques: tous les voyants sont au vert.

Lourdement, on arrive à quitter les pieds du sol avec nos sellettes chargées à ras bord. J’ai les dégaines sur les genoux, la corde et la tente sous les fesses, les lyoph dans le dos, je ressemble à un beau sapin de noël essayant de s’extirper du sol. Mince, j’ai mal démêlé mes suspentes, ca vole pas bien. Depart avorté me revoila sur le plancher des vaches 50m plus bas. Belle suée au passage pour retrouver une zone d’envol confortable. Me voila en l’air, Ca bip assez fort (entendre, les thermiques me font monter!), la magie du parapente se met en place. On se retrouve avec Lucas à 2700m au dessus des perrons où on grimpait la veille. C’est mythique, la vue est exceptionnelle entre l’eau turquoise du lac d’Emosson, le massif du Mont Blanc et toute la Suisse devant nous. On commence à sauter les lignes de crête en jouant à cache cache avec les nuages. Le premier obstacle est sous nos pied: la grande vallée du Rhône et sa brise soutenue. Ca ne rate pas, quelques minutes plus tard la gravité nous rappelle à l’ordre, le fond de la vallée se rapproche alors que le GPS nous indique un joli 0km/h de vitesse malgré l’accélérateur poussé à bloc. La tension monte d’un cran à lutter contre ce vent de face mais et on finit entiers les pieds au sol, pas mécontents d’être posés finalement.

Nous revoila en tant que terriens sous le soleil de plomb dans un champ quelque part entre Martigny et Aigle… On prend évidemment une belle suée à repaquer toutes nos affaires et nous ressortons nos outils numériques pour échafauder un plan pour regagner de l’altitude. Par chance, la Suisse a un réseau de transport en commun exemplaire et rapidement on retrouvera le haut de la station de Leyzin où une grotte parfaite nous attendra pour installer le bivouac au pied des tours d’Aï. Une belle escalade sur ce calcaire sculpté sur fond de lac Léman nous fera vite oublier les frayeurs d’un posé à reculons 2000m plus bas.

Le rythme du vol bivouac s’installe doucement, entre discussions devant la coucher de soleil, nous prenons le temps de se retrouver et échanger sur nos vies respectives.

Une belle journée de parapente nous permet de poser devant les magnifiques Gastlosen mais une actualisation des pronostics meteo nous force à revoir nos objectifs d’escalade et nous décident à prendre plein S, poussé par le vent direction le col de Sanetsch. Une fois de plus, la rapidité de l’analyse des conditions et une actualisation de la carte IGN en vol nous obligent à switcher sur un plan B en 5 secondes. Je vois Lucas se poser sur un bout d’alpage, je le rejoins. Il a habilement analysé que l’accès à notre col de Sanetsch se fait par une face W, et il n’est que midi, les thermiques ne sont donc pas encore activé sur cette face. Bien joué.

Un casse croute, petite sieste et au réveil il ne reste que quelques planeurs dans le ciel, filant bien vite. Les thermiques ont l’air bien puissant et le fait de s’engager dans ce col entre Valais et gruyère ne m’inquiète un peu. On se met en l’air et quelques minutes plus tard le thermique nous satellise 1000m au dessus de notre table de pic-nic. Col de Sanetsch en vue, le drapeau Suisse fièrement brandi à coté d ela buvette n’a pas l’air trop énervé, on attaque la descente. On se pose quelques minutes plus tard avec Lucas presque en même temps, entre la buvette, le lac et les pures falaises calcaires qui nous font déjà de l’oeil. Bonheur total, nous avons tout ce dont nous avons besoin autour. De la nourriture avec la buvette, de l’eau avec le lac, un pur spot de bivouac autour du lac et une pure falaise. C’est idyllique et nous avons du mal à réaliser que nous sommes entrain de voyager sans moteur au grès du vent de paroi en paroi.

Pourtant nous ne sommes pas à plus de 100km de la maison. Les plus aguerris des parapentistes réaliseraient ce périple dans une journée, mais nous avons réalisé notre voyage, à notre dimension, avec nos objectifs. Quel régal, vive la vie.


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